refaire le monde
il est cinq heures ,et, non, Paris ne s'éveille pas
au contraire , il fait si gris que la nuit paraîtra moins noire,les bourrasques emportent au loin des fagots de feuilles pas encore mortes, les arbres craquent sous les coups de boutoir du vent,la rivière semble couler a l'envers, c'est l'apocalypse, et c'est novembre exactement!!
j'aime énormément ce temps sulfureux, le gris du ciel rejoint le gris de la terre;des arbres très peu dépouillés tombent les feuilles en cascades;quelques mésanges poussées par les rafales semblent avoir trop bu,et cherchent a contre courant des graines se prenant pour des papillons!les toits scintillent sous un restant d'averse,et, de ma fenêtre je vois sur l'horizon des peupliers dénudés se prenant pour des codes-barre!
au jardin , pas question d'y mettre les pieds, sur mes chemins creux on n'y voit plus assez clair, et ,quelques sorcières en maraude pourraient bien me dévoyer des sentiers battus! alors , je reste au chaud, regardant par la vitre la danse macabre des nuages éparpillés par ce vent démoniaque.Je vais me distraire en lisant un bouquin de Fred Vargas, moi qui ne suis pas très polar , je suis tombée dans cette marmite de Vargas et de son commissaire Adamsberg, et ; quand j'en commence un , il faut que j'aille jusqu'au bout , c'est une drogue.Elle écrit bien , y'a quelque peu de poésie, et une intrigue legère entre le commissaire , et sa jolie Camille.Donc , logiquement , je vais me coucher a l'aube , et pourtant , demain matin , je pars aussi a l'aube pour toute une grande semaine,ça va pas être facile!!!!
voilà a quoi je pense en observant la nuit descendre doucement:une poésie remontant du fond de ma mémoire , tellement en accord avec ce vent rauque!c'est d'émile Verhaeren, lisez le a haute voix , c'est mieux.
Sur la bruyère longue infiniment,
Voici le vent cornant Novembre ;
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battant les bourgs ;
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent ;
Aux citernes des fermes.
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort, dans leurs mélancolies.
Le vent rafle, le long de l'eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre ;
Le vent mord, dans les branches,
Des nids d'oiseaux ;
Le vent râpe du fer
Et peigne, au loin, les avalanches,
Rageusement du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Dans les étables lamentables,
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes
De vitres et de papier.
- Le vent sauvage de Novembre ! -
Sur sa butte de gazon bistre,
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coups d'éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
Le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Les vieux chaumes, à cropetons,
Autour de leurs clochers d'église.
Sont ébranlés sur leurs bâtons ;
Les vieux chaumes et leurs auvents
Claquent au vent,
Au vent sauvage de Novembre.
Les croix du cimetière étroit,
Les bras des morts que sont ces croix,
Tombent, comme un grand vol,
Rabattu noir, contre le sol.
Le vent sauvage de Novembre,
Le vent,
L'avez-vous rencontré le vent,
Au carrefour des trois cents routes,
Criant de froid, soufflant d'ahan,
L'avez-vous rencontré le vent,
Celui des peurs et des déroutes ;
L'avez-vous vu, cette nuit-là,
Quand il jeta la lune à bas,
Et que, n'en pouvant plus,
Tous les villages vermoulus
Criaient, comme des bêtes,
Sous la tempête ?
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent hurlant,
Voici le vent cornant Novembre.