ce texte , je ne l'ai pas trouvé sur vidéo, dommage!!!
au fait savez vous que depuis 3 jours france inter,( enfin les techniciens, )est en grève, qui en parle ????personne, les infos ne sont pas mieux qu'avant, mais où est donc ce fichu changement???vous le voyez .......
Léo Ferré - PRÉFACE
La poésie contemporaine
ne chante plus
Elle rampe.
Elle a cependant le privilège de la distinction
elle ne fréquente pas les mots malfameés elle les ignore.
On ne prend les mots qu'avec des gants:
à "menstruel" on préfère "périodique",
et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux
qui ne doivent pas sortir des laboratoires ou du Codex.
Le snobisme scolaire qui consiste,
en poésie,
à n'employer que certains mots déterminés,
à la priver de certains autres,
qu'ils soient techniques,
médicaux,
populaires ou argotiques,
me fait penser au prestige du rince-doigts
et du baisemain.
Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres
ni le baisemain qui fait la tendresse.
Ce n'est pas le mot qui fait la poésie,
c'est la poésie qui illustre le mot.
Les écrivains qui ont recours à leurs doigts
pour savoir s'ils ont leur compte de pieds,
ne sont pas des poètes,
ce sont des dactylographes.
Le poète d'aujourd'hui doit
appartenir
à une caste.
à un parti
ou au Tout-Paris.
Le poète qui ne se soumet pas
est un homme mutilé.
La poésie est une clameur.
Elle doit être entendue comme la musique.
Toute poésie destinée à n'être que lue
et enfermée dans sa typographie
n'est pas finie.
Elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale
tout comme le violon prend le sien
avec l'archet qui le touche.
L'embrigadement est un signe des temps.
De notre temps.
Les hommes qui pensent en rond
ont les idées courbes.
Les sociétés littéraires sont encore la Société.
La pensée mise en commun
est une pensée commune.
Mozart est mort seul,
accompagné à la fosse commune
par un chien et des fantômes.
Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes.
Ravel avait une tumeur
qui lui suça d'un coup
toute sa musique.
Beethoven était sourd.
Il fallut quêter
pour enterrer Bela Bartok.
Rutebeuf avait faim.
Villon volait pour manger.
Tout le monde s'en fout.
L'Art n'est pas un bureau d'anthropométrie.
La Lumière ne se fait que sur les tombes.
Nous vivons une époque épique
et nous n'avons plus rien d'épique.
La musique se vend comme le savon à barbe.
Pour que le désespoir même se vende
il ne reste qu'à en trouver la formule.
Tout est prêt: les capitaux.
La publicité.
La clientèle.
Qui donc inventera le désespoir?
Avec nos avions qui dament le pion au soleil.
Avec nos magnétophones
qui se souviennent de
" ces voix qui se sont tues ",
avec nos âmes en rade
au milieu des rues,
nous sommes au bord du vide,
ficelés dans nos paquets de viande,
à regarder passer les révolutions.
N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant
dans la Morale,
c'est que c'est toujours
la Morale des autres.
Les plus beaux chants
sont les chants de revendications.
Le vers doit faire l'amour
dans la tête des populations.
A L'ECOLE DE LA POESIE
ET DE LA MUSIQUE
ON N'APPREND PAS
ON SE BAT!